Les enfants de Vénus
Art et astrologie à la Renaissance
Gwendolyn Trottein

 

Le thème artistique des Enfants de Vénus est doublement caractéristique de la Renaissance: non seulement le cadre de son évolution, depuis sa naissance jusqu'à sa disparition, coïncide historiquement avec celui de l'époque, mais il révèle également si bien les tensions et les contradictions de la Renaissance qu'il en exprime mieux que tout autre l'esprit, rendu trop souvent méconnaissable par les interprétations saturniennes qui s'en sont emparées.

Les enfants de Vénus, ce sont les femmes et les hommes nés sous le signe de la planète ou de la déesse Vénus, dont ils possèdent les principales qualités: ils sont jeunes, beaux, sanguins et luxurieux, amateurs de musique et de jeu, de vêtements et d'ornements luxueux. Les représentations astrologiques qui montrent ces Vénusiens en train de se livrer aux activités qui les définissent avec, juste au-dessus d'eux, la déesse qui les gouverne sont donc riches d'une iconographie profane en rapport avec l'amour et la musique; on y voit à l'oeuvre les pratiques et les préjugés de l'époque, c'est-à-dire des XVe et XVIe siècles.

Sans doute existe-t-il quelques exemples partiels de représentations de Vénus avec ses enfants dès la fin du XIVe siècle, mais cette façon précise de montrer l'influence des sept planètes ne se répand qu'au siècle suivant où peu à peu, elle s'installe dans les domaines les plus divers: pages de manuscrit, murs des palais, assiettes, coffrets, instruments de musique, plaques de verre, plafonds en stuc, cheminées ou façades sculptées.

Ce thème artistique semble avoir été inventé dans les pays du Nord de l'Europe, probablement en France par Christine de Pisan, et on le rencontre souvent dans les Blockbücher germaniques du début du XVe siècle, avant de le voir réapparaître ensuite dans une série de gravures florentines fortement influencée par l'art flamand ou dans les magnifiques fresques du palais Schifanoia à Ferrare. Le corpus d'oeuvres et d'objets étudiés est donc on ne peut plus diversifié: il va jusqu'à comprendre tous les arts de ce temps, du plus noble au plus populaire. On ne sera donc guère surpris de voir cette iconographie influer sur bien d'autres images encore, dont elle enrichira la compréhension. La redécouverte des ramifications multiples et parfois inattendues du thème des Enfants de Vénus permet ainsi de revoir la Renaissance, dans sa poursuite des plaisirs du corps et des sens, non plus sous l'éclairage quelque peu artificiel de la plupart de ses commentateurs, nés trop souvent sous le signe de Saturne, mais dans sa lumière naturelle, c'est-à-dire son caractère essentiellement vénusien.


L'auteur : Née aux Etats-Unis, Gwendolyn Trottein est diplômée des Universités de l'Indiana et de l'Illinois. Elle a écrit sous la direction de Jean Wirth, une thèse de doctorat consacrée aux représentations astrologiques dans l'art du Moyen Äge et de la Renaissance. Après avoir successivement enseigné au Franklin College de Lugano et à l'Université de Tulsa dans l'Oklahoma, elle est à présent professeur d'histoire de l'art à l'Université Bishop's au Québec. Ses travaux ont porté à la fois sur l'art et la littérature de la Renaissance en France, en Italie et en Allemagne. Elle a publié en 1982 un essai intitulé "Montaigne et les boiteux: à propos ou hors de propos ?" dans Symboles de la Renaissance II , puis ultérieurement, aux Etats-Unis plusieurs articles en anglais sur les images astrologiques de cette époque. Elle poursuit actuellement ses recherches dans le domaine de la symbolique astrologique et de l'iconographie profane.













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